Quand les professionnels de santé agissent ensemble : impacts concrets pour les patients sur les territoires

7 octobre 2025

Pourquoi la coordination est devenue un enjeu décisif en santé territoriale

Les évolutions démographiques, l’augmentation des maladies chroniques, la diversification des besoins et la raréfaction de certains professionnels rendent le parcours de soin de plus en plus complexe. D’après la DREES, près de 40% des patients souffrant d’une affection de longue durée sont suivis par au moins trois professionnels différents chaque année (DREES, 2023). La coordination s’impose donc pour éviter les ruptures dans le suivi, la redondance des actes ou les risques de contresens thérapeutique. Elle cristallise aussi la capacité d’un territoire à rester accessible et innovant face aux défis croissants, tout en plaçant l’usager au cœur du dispositif.

Un parcours de soins plus fluide et moins fragmenté

Le morcellement des prises en charge demeure une réalité pour nombre de patients. Ce qu’apportent les dispositifs de coordination, c’est d’abord une structuration du parcours. Les Communautés Professionnelles Territoriales de Santé (CPTS), dispositifs d’appui comme les DAC (Dispositif d’Appui à la Coordination), ou encore les équipes de soins primaires, organisent des chaînes de transmission de l’information, des protocoles partagés et des décisions conjointes qui limitent les ruptures de parcours.

  • Réduction des délais de prise en charge : Selon une enquête menée par France Assos Santé en 2022, 54% des patients ayant bénéficié d’un parcours coordonné estiment avoir eu un accès plus rapide aux soins spécialisés.
  • Diminution des actes redondants : Le rapport IGAS 2021 sur la coordination ville-hôpital estime qu’une meilleure transmission des données (par exemple, grâce au Dossier Médical Partagé et à la messagerie sécurisée) peut réduire de 15 à 20% les prescriptions redondantes, qu’il s’agisse de bilans sanguins ou d’imageries.

En pratique, les patients naviguent ainsi plus sereinement d’un professionnel à l’autre, leurs données et attentes étant mieux transmises. Ces progrès engendrent aussi un gain de temps pour les proches aidants, souvent sollicités dans la transition entre les étapes de soins.

Qualité et sécurité des soins renforcées

Une coordination effective contribue à renforcer la qualité et la sécurité du parcours patient, en limitant notamment certaines erreurs médicales ou interactions médicamenteuses. Selon l’OMS, près de 50% des erreurs de médication recensées à l’échelle mondiale proviennent d’une défaillance de communication entre professionnels de santé (OMS, 2021).

  • Médication revue et sécurisée : Les bilans partagés de médication, réalisés conjointement par médecins, pharmaciens et infirmiers, permettent de déceler plus tôt les risques d’interactions ou de surdosage. Un dispositif pilote lancé en Bretagne autour de 30 maisons de santé a montré une réduction de 21% des hospitalisations évitables liées aux traitements inadaptés sur deux ans (source : URPS Bretagne, 2022).
  • Transmission plus fiable des informations : Dans le cadre des retours à domicile post-hospitalisation, la coordination avec les DAC réduit considérablement les oublis d’informations sur les traitements ou les rendez-vous, un facteur reconnu de ré-hospitalisation évitable selon l’étude IQUOZ (CHU de Grenoble, 2019).

À travers des revues de cas et des réunions pluriprofessionnelles, la surveillance des situations à risques est accrue, notamment pour les pathologies chroniques ou les personnes âgées en perte d’autonomie.

Accessibilité renforcée à des soins adaptés

Au-delà du maillage territorial, la coordination facilite l’accès effectif aux ressources disponibles, en particulier dans les zones sous-dotées. Les innovations organisationnelles (ex : consultations avancées d’infirmiers ou de sages-femmes, télé-expertise), déployées en lien direct entre acteurs locaux, permettent d’amener le soin là où il fait défaut.

  • Raccourcissement des délais en zones fragiles : En Pays de la Loire, les protocoles de prise en charge coordonnée entre maisons de santé pluridisciplinaires ont permis de réduire de 40 à 25 jours le délai d’obtention d’un rendez-vous de suivi pour les patients diabétiques sur certains territoires entre 2018 et 2022 (source : ARS Pays de la Loire).
  • Favoriser la prise en charge des publics isolés : Les dispositifs d’aller-vers (infirmières assermentées dans les quartiers prioritaires, médiateurs en santé, interventions coordinatrices) repèrent mieux les publics éloignés du système de santé – personnes âgées isolées, travailleurs précaires – et les accompagnent vers le droit commun.

Pour le patient, cette coordination signifie un accès plus pertinent à la bonne expertise, au bon moment, sans être balloté entre structures ni se heurter à des délais interminables.

Simplification du quotidien et diminution de la charge administrative pour les patients

Le parcours de soins complexifié implique une gestion administrative de plus en plus lourde pour le patient et ses proches : rendez-vous à caler, compte-rendus médicaux à transmettre, formulaire à compléter… La coordination structurée s’accompagne dans de nombreux cas d’une incision dans cette charge.

  • Des interlocuteurs uniques ou référents : De nombreuses CPTS et dispositifs d’appui désignent des Coordinateurs ou Infirmiers de Parcours, qui accompagnent le patient tout au long de son parcours, facilitant la programmation des actes et la transmission des documents.
  • Moins d’erreurs dans la gestion administrative : Dans le Val-d’Oise, un projet d’expérimentation MSP-Pharmacie a permis de diminuer de 35% les erreurs de délivrance liées à des problèmes de renouvellement ou d’absence de prescriptions correctes (source : URPS médecins libéraux Ile-de-France, 2022).
  • Numérisation des démarches : La généralisation du Dossier Médical Partagé et des plateformes d’e-prescription limite la redondance des tests et simplifie le partage d’informations, avec l’accord du patient.

Au final, moins de paperasses, moins d’allers-retours stressants, et une meilleure lisibilité du parcours.

Un accompagnement plus personnalisé : le patient acteur de son propre parcours

La montée en puissance des démarches coordonnées s’accompagne souvent du développement de programmes d’éducation thérapeutique et d’outils partagés, qui renforcent le sentiment de maîtrise du patient sur sa santé.

  • Programmes d’éducation adaptés : Par exemple, dans le Finistère, la mutualisation des outils éducatifs dans les maisons de santé a permis de déployer des groupes d’éducation thérapeutique collectifs, fréquentés par 1 200 patients en 2022, participant à une baisse constatée de 18% des réhospitalisations à 6 mois pour insuffisants cardiaques (URPS Bretagne).
  • Participation active au projet thérapeutique : À travers les réunions de concertation pluriprofessionnelles, certains patients participent à l’élaboration de leur parcours, engendrant une plus forte adhésion aux recommandations et un meilleur suivi des plans de soins.
  • Soutien moral et lien social renforcé : La coordination améliore aussi la capacité à repérer des besoins non seulement médicaux, mais aussi sociaux ou psychologiques, déclenchant l’intervention d’assistantes sociales ou de psychologues intégrés aux équipes.

Réduction du recours inapproprié à l’hôpital et optimisation des ressources territoriales

Lorsqu’elle est efficiente, la coordination limite le recours inadapté à l’hôpital, qui reste un enjeu crucial tant pour le confort des patients que pour la soutenabilité du système de santé.

  • Moins de passages aux urgences : Selon la CNAM, dans les territoires fortement pourvus en maisons de santé pluridisciplinaires coordonnant activement, la part des passages aux urgences pour des motifs de premier recours chute de 15 à 30% par rapport à la moyenne nationale (source : Rapport CNAM « Cartographie des soins non programmés », 2023).
  • Hospitalisations évitables en baisse : L’étude EcoPEC menée dans le Grand Est entre 2016 et 2021 estime à 24% la diminution des hospitalisations évitables pour décompensation d’insuffisances cardiaques ou diabète grâce à des cellules de coordination actives avec interventions précoces à domicile (INSEE Grand Est).

Cette optimisation des ressources permet de focaliser l’effort hospitalier sur les prises en charge les plus complexes, tandis que le suivi de proximité devient plus efficace et rassurant.

Des pistes pour aller plus loin : défis et perspectives de la coordination

Malgré ces bénéfices démontrés, certains territoires restent confrontés à des obstacles : saturation des effectifs, culture du cloisonnement professionnel, freins technologiques et besoin d’un soutien institutionnel durable. Les expérimentations locales montrent cependant qu’une dynamique de confiance et des outils partagés adaptés peuvent progressivement faire évoluer les pratiques, même là où les ressources sont rares.

  • Poursuite de l’interopérabilité numérique pour un partage fluide des données (DMP, messagerie sécurisée…)
  • Renforcement de la formation à la coordination interprofessionnelle dès les études initiales
  • Généralisation de fonctions de coordination (infirmiers coordinateurs, assistants de parcours…)
  • Expansion des dispositifs d’aller-vers et d’appui aux populations vulnérables
  • Évaluation systématique et transparente des dispositifs, pour diffuser ce qui fonctionne le mieux

Pour les patients, la coordination s’affirme déjà comme un gage de lisibilité, de sécurité et de personnalisation des soins. Elle reste aussi le socle indispensable pour relever collectivement les défis à venir du système de santé français.